Témoignages d’Afghans réfugiés dans le Lot : « J’ai peur pour ma famille »
.Nombreux sont les Afghans réfugiés en France qui craignent pour leurs familles après la prise de pouvoir des Talibans. Dans le Lot, certains ont accepté de témoigner.
La prise de Kaboul par les Talibans est tombée comme un coup de massue. Dans le Lot, de nombreux Afghans réfugiés craignent aujourd’hui pour leur famille restée là-bas. La plupart espèrent les faire venir en France ou au moins les sortir de l’enfer qu’est devenu leur pays.
À 25 ans, Nasir ne se fait plus d’illusion. Le jeune homme a fui l’Aghanistan après l’assassinat de son père par des Talibans. En France depuis mai, il réside désormais à Gourdon. Un exil d’autant plus lourd à porter que sa mère et ses deux sœurs sont encore sur place, dans la province de Baghlân.
« J’ai peur pour elles, elles sont sans défense maintenant. C’est si dur pour les femmes, elles ne peuvent plus rien faire. Je voudrais qu’elles viennent en France mais je ne sais pas comment les aider », confie-t-il. Lui-même est toujours demandeur d’asile, rempli d’incertitudes aussi bien sur son avenir que sur celui de sa famille et de son pays. « On ne s’attendait pas à ce que les Talibans reprennent tout le pays, tout le monde est très choqué. Que va-t-il se passer maintenant ? La guerre ? La dictature ? »
« Ma famille n’ose plus sortir de la maison! »
Pour beaucoup de réfugiés, séparés de leurs familles par des milliers de kilomètres, l’heure est à l’angoisse et aux larmes. Arrivé à pied d’Afghanistan en 2018, Assef communique chaque jour avec sa mère, ses quatre frères et ses neveux et nièces. Tous vivent à Jalalabad, une ville située à 150 km de Kaboul tombée elle aussi sous le joug des Talibans. Avant leur prise de pouvoir, ses deux frères étaient haut gradés dans l’armée afghane. L’un d’eux s’est fait casser le bras par la kalachnikov d’un Taliban. Un autre est déjà mort.
Des histoires de violences, Assef en a plus d’une. « Hier, mes frères sont sortis faire des courses et ils ont vu des Talibans tuer une femme dans la rue. Juste, parce qu’elle était dehors. Ce sont des animaux, si tu leur dis non ou si tu parles trop fort, ils te tuent ! Ma famille n’ose plus sortir de la maison », déplore-t-il. À défaut de la France, Assef souhaiterait que sa famille puisse au moins se rendre dans un pays voisin de l’Afghanistan, « n’importe lequel ». « Mais comment faire ? », se questionne-t-il, avide de toute aide. « Je leur envoie 200 € par mois, mais ce n’est pas avec ça que je vais pouvoir faire sortir dix personnes. Seuls les riches peuvent partir, ce n’est pas juste ! »
Blocage à Islamabad
Dans un communiqué, La Cimade, AMIgrants et d’autres associations alertent sur la situation administrative en Afghanistan. « Depuis 2018, l’ambassade à Kaboul ne traitait plus les demandes de réunification familiale mais elles étaient transmises à l’ambassade d’Islamabad par une procédure dématérialisée préalable. Sa fermeture pour des raisons de sécurité , a bloqué plus de 3500 dossiers recensés par l’administration alors même qu’avant le confinement étaient traités les dossiers enregistrés en janvier 2019, 1500 dossiers ont plus de 2 ans d’ancienneté.
Un arrêté du 20 mai 2021 a certes donné compétence aux ambassades en Iran et en Inde pour traiter les demandes mais comment pour les familles rejoindre ces pays qui les soumettent à une obligation de visa? »
Les associations montent au créneau
Suite au discours d’Emmanuel Macron appelant notamment à « anticiper et nous protéger contre des flux migratoires irréguliers importants » après la chute de Kaboul, plusieurs organisations de soutien aux exilés, dont la Cimade, ont jugé ses propos « indignes ». Dans un communiqué auquel s’associe également AMIgrants, elles comparent les différentes politiques européennes. « Angela Merkel a annoncé le rapatriement de 10 000 Afghanes et Afghans, ne se limitant pas au personnel ayant travaillé pour les autorités allemandes en Afghanistan. Le Royaume-Uni a annoncé qu’il n’exigerait pas de passeport pour permettre aux demandeurs d’asile afghans de rejoindre le sol britannique. Deux avions militaires sont la seule mesure annoncée par la France. »
Les organisations signataires rappellent également « l’obligation du respect absolu et inconditionnel de la Convention de Genève sur l’asile et des textes de l’Union européenne de protection des populations persécutées. » Elles exigent également « l’ouverture de voies légales afin que tou·tes les Afghanes et Afghans persécuté·es qui le sollicitent, ainsi que les familles de ceux qui sont déjà bénéficiaires de la protection internationale accordée par la France, puissent rejoindre rapidement le sol français directement depuis Kaboul. Nous exigeons l’arrêt des procédures issues du règlement Dublin, le retrait de toute mesure d’éloignement à l’encontre de demandeurs d’asile afghans et l’accord accéléré de la protection qu’ils doivent recevoir en France afin de leur permettre d’accéder à l’emploi et à un hébergement dignes. »
Caroline Peyronel ladepeche.fr
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