Transhumances inscrites au patrimoine culturel français
Les brebis du Lot ont rejoint leurs estives en camion. La crise du coronavirus étant passée par là, pas question de transhumer d’étape en étape. Une déception pour les marcheurs habitués à emboîter le pas des troupeaux, mais surtout pour les éleveurs qui perpétuent cette tradition ancestrale. Ironie du sort, c’est ce 2 juin, que cette pratique pastorale a été inscrite à l’Inventaire national du patrimoine culturel immatériel français par le ministère de la Culture.
Une étape attendue qui devrait conduire les transhumances vers une reconnaissance mondiale. Puisqu’après la Grèce, l’Italie et l’Autriche inscrites au patrimoine mondiale de l’Unesco cet hiver, la France devrait déposer son dossier en mars 2022.
Du côté du Lot, on en piétine d’impatience, car si depuis une douzaine d’années les troupeaux quittent au printemps les bergeries pour gagner les vertes prairies, ce savoir-faire a bien failli disparaître, sans le concours d’un malheureux hasard et la volonté d’une poignée d’hommes.
Ce dont se souvient très bien Serge Rigal, président du conseil départemental qui raconte : « Un violent incendie s’était déclaré entre Luzech et Labastide-du-Vert à travers les broussailles, il a fallu faire appel à des Canadairs et compter sur le soutien d’un orage… »
Un mal pour un bien diront certains, car immédiatement la question de l’entretien des espaces, parfois difficiles d’accès, est soulevée. Deux hommes seront les fers de lance de ce retour de la transhumance dans le Lot : Jean-Louis Issaly, le berger, et Abdon Calvo, le propriétaire foncier. « On déplaçait les troupeaux en camion, alors quand j’ai proposé cette ballade aux copains éleveurs, je dois vous l’avouer ils l’ont fait plus par amitié que par conviction », en sourit encore Jean-Louis Issaly. Comme lui, Abdon Calvo est fier de cette inscription au patrimoine national. « On a pris cette aventure à bras-le-corps dès le départ, en fédérant un collectif d’acteurs pour travailler ensemble à perpétuer cet héritage », dit-il.
Les objectifs des uns et des autres étaient divers, mais le moyen était partagé, comme l’explique Isabelle Lapèze, coordinatrice du programme de reconquête des espaces embroussaillés au Département : « La transhumance est ce vecteur commun. Elle permet l’entretien des terrains et contribue à la prévention du risque d’incendie. Elle assure la préservation de la biodiversité et présente un enjeu agricole grâce au potentiel de la ressource fourragère. Le tout en faisant la promotion de l’agneau lotois, des valeurs et de la qualité de ce produit ».
Mais pour Jean-Louis Issaly les transhumances c’est avant tout « un lien qui crée une convivialité spécifique à ce milieu ». « Cette reconnaissance nationale, plaisante le berger, c’est comme si j’obtenais un diplôme à 70 ans ! Peu le savent, mais à l’époque cette pratique commençait à être menacée dans des massifs seigneurs des transhumances, par des restrictions municipales qui interdisaient la traversée des villages à cause des nuisances. On rêvait de les protéger et cette inscription au patrimoine immatériel était indispensable à cela. »
Dans le Lot, ce savoir-faire et ces méthodes d’élevage traditionnelles retrouvés sont même devenus un enjeu de promotion : un spectacle incroyable ponctué de fêtes, d’animations, de repas… Avec quelque 2 000 brebis qui gagnent les estives de Luzech, Belaye, du Mont-Saint-Cyr, de Cuzals ou même les pentes du Lioran dans le Cantal …
Jeudi 4 juin, vers 17 heures, Cent quatre-vingts brebis du Causse et des vallées du Lot ont quitté Boussac vers l’estive du Lioran… Un 2ème convoyage partira du Causse prochainement, avec des brebis de Montfaucon, Padirac et Rocamadour, portant le troupeau lotois à 450/500 têtes.
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