Transition écologique, finances… des échanges « constructifs » entre le gouvernement et les élus locaux
Les ministres du pôle en charge des territoires, Christophe Béchu et Caroline Cayeux, ainsi que le ministre délégué en charge des comptes publics, Gabriel Attal, ont reçu en fin de semaine dernière les représentants des associations d’élus locaux. L’occasion d’échanger notamment sur la transition écologique. Les dossiers financiers – comme la maîtrise des dépenses et la compensation de la suppression de la CVAE – ont pris une place majeure dans les discussions, le gouvernement dévoilant parfois ses intentions. Retour sur cette séquence de dialogue, que plusieurs élus ont qualifiée de « constructive ».
Après avoir reçu en multilatérale, le 19 juillet, l’ensemble des représentants des associations d’élus locaux avec ses collègues du pôle en charge des territoires, le ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, Christophe Béchu, a initié le 1er septembre une série de rencontres bilatérales avec les mêmes interlocuteurs. Il a reçu à l’hôtel de Roquelaure, les unes après les autres, des délégations de l’Association des maires de France, de Départements de France, de Régions de France et d’Intercommunalités de France. Cette fois, deux ministres l’accompagnaient : la ministre déléguée en charge des collectivités territoriales, Caroline Cayeux, et le ministre délégué en charge des comptes publics, Gabriel Attal.
Le lendemain, les réunions ont repris à l’hôtel de Beauvau, sous la houlette de Caroline Cayeux et de Gabriel Attal dans certains cas. Côté collectivités, se sont succédé les élus de la montagne (Anem), les maires ruraux (AMRF), les élus des grandes villes (France urbaine), ceux des petites villes (APVF) et de l’association Villes et banlieue, ainsi que les maires des villes moyennes (Villes de France). Enfin, les représentants de l’Association nationale des élus du littoral ont échangé en visioconférence avec la ministre en charge des collectivités territoriales.
« Concertation » et « co-construction » avec les élus locaux : tels sont les deux maîtres-mots de la « méthode » voulue par Christophe Béchu et Caroline Cayeux, soulignent-ils sur Twitter. Des modalités de travail qui pour le moment satisfont les édiles, puisque plusieurs d’entre eux ont estimé que les échanges ont été « constructifs ».
Fonds vert doté d' »argent frais »
Au menu des discussions : la transition écologique, avec en particulier le fonds vert d’1,5 milliard d’euros pour les collectivités, dont la Première ministre a annoncé la création fin août, et dont les modalités ne semblent pas encore précisément arrêtées. « Nous avons indiqué notre préférence pour un mode d’attribution proche de celui de la DETR [NDLR: dotation d’équipement des territoires ruraux] », un système qui voit le préfet répartir – en association avec une commission d’élus – les fonds au bénéfice « des communes qui en auraient le plus besoin », précise l’Association des petites villes de France (APVF), qui était représentée par son vice-président, le maire de Boussy-Saint-Antoine, Romain Colas. Intercommunalités de France a également plaidé pour la déconcentration des crédits du fonds « sur la base d’un dialogue avec les territoires », mais aussi pour que ceux-ci soient déployés dans le cadre des contrats de relance et de transition écologique (CRTE). Les ministres et leur entourage auraient indiqué que ce fonds sera alimenté par « de l’argent frais » et non des crédits recyclés. C’est « une bonne nouvelle », réagit l’APVF.
Sur l’objectif de zéro artificialisation nette (ZAN), plusieurs associations d’élus ont salué la volonté de dialogue du gouvernement et son projet de réécrire des décrets d’application de la loi Climat et Résilience. « Il y a des tensions et le gouvernement l’entend », déclare Sébastien Martin, président des Intercommunalités de France, qui était reçu jeudi à l’hôtel de Roquelaure. « On sent bien que des consignes ont été passées aux services de l’État », ajoute-t-il, en évoquant la circulaire que le ministre de la Transition écologique a récemment envoyée sur le sujet aux préfets.
Les membres du gouvernement ont également abordé la question de l’agenda territorial, un outil annoncé par Élisabeth Borne lors de son discours de politique générale. Les collectivités sont invitées à proposer des sujets de discussion à mettre à l’ordre du jour de cet agenda d’ici au début de l’année prochaine.
« Pas de deuxième génération des contrats de Cahors »
Mais à quelques semaines de la présentation du projet de loi de finances (PLF) pour 2023 et du projet de loi de programmation des finances publiques pour 2023-2027, les échanges ont le plus souvent porté sur les finances publiques. Le gouvernement a répété qu’il ne relancera pas les contrats dits de Cahors, c’est-à-dire le dispositif qui avait limité en 2018 et 2019 les dépenses de fonctionnement des budgets principaux des plus grandes collectivités et intercommunalités. Sans toutefois préciser s’il entend le remplacer ou non par une nouvelle règle contraignante pour les budgets locaux. « Cela n’est pas arrêté et reste en discussion », indique France urbaine, dont la délégation, emmenée par le maire de Dijon, François Rebsamen, a souligné le « paradoxe » qui consisterait à continuer à circonscrire les objectifs de maîtrise des dépenses de fonctionnement sur les budgets des plus grandes collectivités. « Ce sont elles qui ont subi les plus grandes difficultés financières durant la crise sanitaire et portent les investissements », a-t-elle insisté. France urbaine a aussi mis en garde contre une contrainte sur les dépenses locales qui pourrait mettre en péril la capacité d’autofinancement des collectivités, levier au cœur de la stratégie d’investissement des collectivités, notamment en faveur de la transition écologique.
Au nom de l’APVF, Romain Colas a de son côté appelé à sanctuariser les « grandes priorités » (« sécurité, transition écologique, santé… ») « définies consensuellement entre l’État et les collectivités », et, d’une manière générale, à épargner le plus possible les budgets locaux, du fait du rôle que jouent les collectivités « en faveur de la croissance et de l’emploi ». « Plutôt que d’imposer [aux] collectivités un contrôle préfectoral, on pourrait essayer de [leur] faire confiance », a souligné pour sa part Sébastien Martin. Le président d’Intercommunalités de France prône la signature d’un « accord national entre l’État et les collectivités » sur les finances publiques. Si le gouvernement veut envoyer des signes concernant un changement de méthode, il doit en passer par là aussi », avance-t-il.
Dotation Globale de Fonctionnement gelée
L’AMF, quant à elle, a rappelé « que les communes et les intercommunalités sont soumises à la règle d’or qui ne leur permet d’emprunter que pour l’investissement, et qu’elles ont donc des finances par nature saines, sans déficit de fonctionnement ». Cette dernière a également demandé, comme Ville et Banlieue, que l’évolution de la dotation globale de fonctionnement (DGF) suive l’inflation pour en atténuer les effets sur les finances locales. Une demande que l’exécutif ne souhaite pas satisfaire pour le moment. Selon l’APVF, Caroline Cayeux aurait assuré qu’il n’y aurait pas de baisse des dotations l’année prochaine, mais sans que l’inflation ne soit pour autant compensée.
En revanche, les communes et leurs groupements pourraient voir leurs recettes fiscales augmenter de manière substantielle : contrairement aux craintes exprimées par les associations d’élus locaux, Bercy n’envisagerait pas de plafonner – dans le PLF 2023 – la révision forfaitaire des valeurs locatives qui servent au calcul de plusieurs impôts, dont la taxe sur le foncier bâti. Autrement dit, celle-ci serait calculée, en 2023, en prenant en compte l’évolution de l’indice des prix à la consommation harmonisé (IPCH) sur la période de novembre 2021 à novembre 2022. Avec cette règle, l’actualisation en 2022 des bases de fiscalité locale a été de + 3,4%.
Comment compenser la suppression de la CVAE ?
S’agissant de la suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), le gouvernement inscrira les modalités de sa compensation dans le PLF 2023, qu’il doit transmettre au Conseil d’État au plus tard à la mi-septembre. Malgré la ferme opposition des associations d’élus locaux à cette promesse électorale du Président de la République, les discussions ont donc nécessairement abordé ce sujet-là. Bercy envisagerait un remplacement de la CVAE par l’affectation d’une quote-part de TVA au bloc communal et aux départements. Une telle ressource serait certes probablement dynamique à l’échelle nationale, mais son affectation serait déconnectée progressivement de la réalité de l’économie des territoires, ce que dénoncent les associations d’élus locaux.
Pour elles, il convient de maintenir une incitation fiscale en faveur des politiques locales dédiées au développement économique. Ainsi, le produit résultant de la croissance de la quote-part de TVA devrait être réparti, selon elles, en fonction de critères reflétant la dynamique économique des territoires. Cette option n’accroîtra pas la fiscalité pesant sur les entreprises, souligne Sébastien Martin. À cette fin, France urbaine propose de conserver les indicateurs qui sont aujourd’hui utilisés pour la répartition de la majeure partie de la CVAE, à savoir les valeurs locatives et les effectifs des entreprises. Intercommunalités de France suggère de son côté d’étudier la piste de la masse salariale, déjà employée pour le calcul du versement mobilité. Pour trouver la compensation adéquate, il faudrait « se donner du temps », a plaidé l’APVF. Qui a demandé par conséquent le report d' »un an » de la suppression de la CVAE. Dans ce schéma, les entreprises bénéficieraient d’un dégrèvement en 2023.
Inflation : mieux protéger les collectivités
Par ailleurs, pour calculer la compensation, les élus locaux refusent de ne prendre comme référence que le produit de l’année 2022, puisque du fait de la crise sanitaire, celui-ci est en recul de plus de 4%. Ils exigent que le calcul soit effectué en prenant en compte une période de plusieurs années de référence. Le choix de ces années « fera certainement l’objet d’un petit bras de fer », pronostique un cadre d’une des associations.
Dans la perspective des discussions sur le PLF 2023, les associations d’élus locaux ont par ailleurs mis sur la table la nécessité de pérenniser le « filet de sécurité » visant à protéger les collectivités contre les conséquences de l’inflation, qui figure dans la loi de finances rectificative pour 2022. Mais sans reconduire ses modalités, qui leur semblent conduire à l’exclusion de trop de collectivités.
Des rencontres techniques entre les associations d’élus locaux et les cabinets ministériels doivent, dès cette semaine, permettre de prolonger les discussions.
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