Un futur label pour «installer une culture de la participation dans les collectivités»
L’association « Empreintes Citoyennes » souhaite créer un « Label Villes Citoyennes » afin de réenchanter le lien gouvernants-citoyens. À l’heure d’une inter-communalisation accrue, son initiateur Julien Goupil, président de l’association, fait le pari que la citoyenneté dans la commune sera au centre des enjeux de demain. Interview.
Courrier des Maires : Depuis avril 2018, l’association « Empreintes Citoyennes » mobilise différents acteurs (universitaires, acteurs institutionnels et associatifs, citoyens) en vue de créer un « Label Villes Citoyennes » à l’intention des collectivités locales. Quel est le but ?
Julien Goupil : Depuis 4 ans, l’association travaille à replacer le citoyen au cœur de la gouvernance et à permettre de mieux considérer l’expertise d’usage des citoyens. Nous avons accompagné près de 120 collectivités dans la création de leurs conseils citoyens, rendus obligatoires avec la loi Lamy de 2014, et nous avons constaté de très nombreux freins de part et d’autre. Il s’agit d’une défiance réciproque : les élus n’ont pas confiance dans les citoyens, et les citoyens ne croient plus en leurs élus !
Depuis lors, on a essayé divers outils retisser ce lien, mais il s’agissait de pansements sur une jambe de bois… Aussi nous nous sommes dit que la création d’un label pouvait être un outil intéressant, car, sous couvert de marketing territorial, il pourrait permettre de développer à plus long terme une relation gagnant-gagnant dans les territoires !
CDM : Justement ne craigniez-vous pas une récupération politique du label par certains élus, une sorte de « citizenwhashing » ?
J.G. : Nous sommes conscients de cet écueil et nous essayons de le contourner. On sait très bien que ce label pourrait attirer certaines collectivités car il peut apparaître comme « sexy », notamment avant les prochaines élections municipales. Aussi, nous avons décidé qu’il sera impossible de souscrire au label avant 2020 pour éviter que des élus en fassent un élément politique au cours de leurs campagnes. Nous voulons éviter cet opportunisme, mais pour autant, je pense que la vulgarisation d’une thématique peut aussi être l’introduction vers une démarche plus vertueuse et que parfois la récupération est nécessaire…
Avec le développement durable, si les entreprises ne s’étaient pas approprié cette notion, ce thème n’aurait pas pris une telle ampleur dans la société même si bien sûr les gouvernants et les lois ont amené les entreprises vers plus de rigueur et de discipline en la matière.
Ce qui est certain, c’est que lorsque l’on essaie d’imposer les choses par le haut, cela ne marche pas… C’est ce qui s’est passé avec les conseils citoyens que les élus n’ont vu que sous l’angle de la contrainte !
CDM : Quelles sont les grandes étapes de la création de ce futur label ?
J.G. : Pour l’instant, nous en sommes seulement à une phase de consultation et de co-construction. Pour établir les critères et les éléments clés du label, nous avons :
- organisé en avril des rencontres citoyennes avec comme question « qu’est-ce qu’une ville citoyenne ? » ;
- en juin nous avons organisé des rencontres avec des acteurs de la participation universitaires et des associatifs ;
- nous sommes en train de réaliser une consultation citoyenne en ligne ;
- enfin nous prévoyons dans quelques semaines des « têtes à têtes » institutionnels.
Avec tous ces éléments, un groupe de travail sera constitué pour établir les pré-requis permettant la labellisation des villes.
CDM : Combien de villes se sont déjà manifestées auprès de vous ?
J.G. : Une centaine environ de toutes les tailles, les plus petites sont autour de 5 000 habitants. Nous leur avons proposé de nous rencontrer en 2019 afin de leur fournir la feuille de route qui sera établie d’ici à la fin de l’année avec les critères et pré-requis permettant d’obtenir la labellisation. Comme cela, si elles le souhaitent, elles pourront travailler sur ces points particuliers. Ce label sera, nous l’espérons, l’outil permettant d’installer une culture de la participation citoyenne dans les collectivités, mais une participation réciproque avec une gouvernance ouverte mais aussi des citoyens acteurs et engagés, car il est clair que le syndrome de « la tête blanche et la grise mine », c’est-à-dire la participation quasi-exclusive des personnes âgées et des mécontents aux manifestations citoyennes, a fini par démoraliser certains élus.
Mais nous sentons qu’il y a aujourd’hui une dynamique autour de ce thème. Et avec l’inter-communalisation des compétences, je suis certain que demain la valeur ajoutée de la commune sera l’entretien du lien social, la convivialité et l’emprise citoyenne, bref sa capacité à réenchanter le lien avec les citoyens .
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