Un médecin de campagne évoque l’évolution de son métier
Confronté au désert médical, le Lot se trouve en situation de grave difficulté concernant la santé. Qui ne s’est pas retrouvé face à un parcours de combattant pour trouver un médecin à proximité de son domicile, un dentiste à quelques kilomètres ? Et avec des délais de rendez-vous s’allongeant à parfois plusieurs semaines ?
Quel regard peut avoir un médecin sur la situation ? Madame Roselyne Balitrand est une doctoresse de Lalbenque, près de Cahors. Quasiment retraitée, elle assure pour quelques mois encore des remplacements pour sa fille qui a repris son cabinet.
Elle nous parle de son métier de médecin à la campagne et de son évolution.
Médecin de campagne, un choix
Actu : Quel a été votre parcours ?
Dr Roselyne Balitrand : Originaire de Fontanes, j’ai passé une licence de psychologie puis intégré la faculté de médecine à Paris. Passage par l’hôpital Bichat, j’intégrais à Bondy en 1980 un cabinet en association avec 6 autres médecins. J’y suis restée jusqu’en 2010, ce fut une période très riche avec de multiples engagements. Une demi-journée par semaine, je faisais partie de l’Homnibus, un bus qui circulait auprès de personnes marginales qui n’avaient pas accès aux soins ; bus qui proposait à la fois des consultations médicales mais aussi psychologiques et d’assistance sociale. Mais nous étions attachés à la vie rurale et nous avions décidé de terminer notre vie professionnelle dans le Lot.
Quels critères ont prévalu sur un retour en campagne ?
Dr R. B. : C’est la qualité de vie, mes filles avaient grandi, mon mari pouvait trouver un travail dans un autre établissement, il est CPE en collège, et nous avions toujours la maison de famille à Fontanes où nous passions toujours des vacances.
Mais peut-on s’installer facilement ?
Dr R. B. : Un concours de circonstances s’est présenté à Lalbenque, en une année, la commune est passée de cinq médecins à deux suite à des départs et retraite. Les habitants étaient dans l’attente d’un renfort.
Vous n’êtes pas installée dans la Maison Médicale ?
Dr R. B. : En fait, cette Maison ne présentait pas le caractère d’association auquel j’étais habituée avec le partage des coûts du personnel et des charges diverses. C’est une simple construction, sans secrétariat partagé ni services annexes. J’ai donc préféré une installation indépendante malgré des tâches administratives plus lourdes
Le monde rural vit-il à un autre rythme ?
Dr R. B. : Il est vrai que les tournées ne se comptent pas en kilomètres mais en heures. Difficile parfois de trouver une maison quand il n’y avait pas de GPS. Les pompiers m’avaient donné rendez-vous à l’entrée d’un village pour ensuite me conduire à travers bois jusqu’à une maison isolée… Une autre fois, dans l’urgence, un grand-père ne pouvait pas régler la consultation réalisée en pleine nuit, je l’ai vu venir en vélo quelques jours plus tard pour me payer. Pour mes gardes de nuit, nous pouvions être appelés à n’importe quelle heure, et mon mari m’a accompagné chaque fois.
Comment évolue la population rurale ?
Dr R. B. : Nous avons beaucoup de patients de plus de 90 ans, ils nécessitent des soins qui vont au-delà des actes médicaux. Ils préfèrent tous rester à domicile et nous sommes encore confrontés au manque de ressources humaines. Nous sommes également sollicités pour des questions qui relèvent de l’assistance sociale.
Trouvez-vous un relais avec le personnel infirmier ?
Dr R. B. : J’ai toujours travaillé avec les infirmiers, interlocuteurs indépendants, tant à l’hôpital qu’en clientèle. Ils ont une compétence technique et un diagnostic accrus. Ils nous permettent d’alléger le quotidien en fonction des informations qu’ils nous donnent et de leurs propositions thérapeutiques. Ces personnels sont indispensables.
Fin de vie
Avec une population vieillissante, êtes-vous confrontée à la question de la fin de vie ?
Dr R. B. : Effectivement, plusieurs personnes nous disent qu’elles veulent mourir dignement, qu’elles refusent l’acharnement. Mais comment réagit le corps quand ces personnes ne peuvent plus s’exprimer ? La loi Léonetti de 2016 demande aux patients des directives anticipées qui précisent leur choix en ce qui concerne la fin de vie et nous autorisent à un accompagnement terminal en relation avec les réseaux de soins palliatifs présents dans notre région. On doit apporter le calme et la sérénité dans ces moments-là en accompagnant la famille. Je suis catholique et je respecte la fin de vie et le choix des personnes. La foi aide à faire face aux disparitions, surtout quand elles concernent des personnes jeunes laissant des enfants ou des familles qui vous sont proches.
Le métier se féminise-t-il ?
Dr R. B. : Oui, le dialogue avec le patient est différent et beaucoup de patients préfèrent l’écoute des femmes à certains comportements masculins plus stéréotypés. Pour tous, quoi qu’il en soit, il est difficile de laisser les souffrances partagées derrière soit en fermant la porte du cabinet. Mais n’oubliez pas qu’une femme fait plusieurs métiers !
La défiance face au vaccin Covid
Le virus et son vaccin ont donné lieu à toutes sortes de commentaires, qu’en pensez-vous ?
Dr R. B. : Le vaccin est la meilleure arme, la balance bénéfice/risque penche nettement d’un côté. Mais j’ai eu un détracteur qui n’a pas hésité pas à me dire qu’avec l’aluminium qu’il y a dans le vaccin, son téléphone portable s’est trouvé aimanté dans la zone de l’injection ! Beaucoup de détracteurs se prévalent de connaissances médicales piochées au hasard sur Internet…
Roselyne Balitrand évoque ses occupations de la semaine, entre sa dernière petite-fille et sa participation dans la chorale In Allegria avant sa prochaine journée de travail. Un mot de conclusion ? « J’aime mon métier et vous savez qu’à l’ouverture de mon cabinet, ma toute première patiente m’a annoncée : je crois que je suis enceinte ! C’était pour moi la plus belle nouvelle pour commencer ma carrière lalbenquoise ».
Propos recueillis par DANIEL DURIEZ Actu Lot
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