Une journée pour endiguer la pénurie d’agriculteurs

Tous les deux ans, la chambre d’agriculture du Lot organise une journée de rencontre entre agriculteurs soucieux de céder leur exploitation et candidats à la reprise.

L’âge moyen de l’agriculteur lotois est de 50 ans. Un constat qui pose de façon de plus en plus aiguë la question de la reprise des exploitations. Or, si, voilà trente ans, 90 % des exploitations du département trouvaient un repreneur, aujourd’hui, on n’en est plus qu’à une sur trois. Et si «depuis trente ans, on a remédié au niveau production par la reprise de terres, de cheptels par les voisins. Maintenant, ce n’est plus possible», dit Gilles Cluzet de la chambre d’agriculture du Lot. Pour enrayer ce risque de désertification agricole, la chambre a créé «Rencontres en terres lotoises». Cette journée organisée tous les deux ans met en contact agriculteurs qui souhaitent céder leur exploitation ou trouver un associé et candidats à la reprise. L’édition 2017 s’est déroulée le jeudi 28 septembre au domaine d’Auzole à Saint-Pierre-Lafeuille. Une quinzaine d’agriculteurs et une dizaine de porteurs de projets s’y étaient inscrits.

Tous les champs de l’agriculture étaient représentés… mais pas forcément en adéquation. A l’image de l’agriculture lotoise, les trois quarts des cédants sont dans l’élevage. Ce n’est pas le cas des candidats à la reprise. Autre difficulté : une reprise est une rencontre qui ne fonctionne pas toujours. Stéphane Pons, agriculteur, et son nouvel associé en ont témoigné jeudi matin : il a fallu à chacun plusieurs essais. Pour le Lotois, le troisième a été le bon. Son associé avait fait un contrat Cefi raté dans la Mayenne avant d’arriver dans le Lot. Le signataire d’un Cefi (contrat emploi formation en installation), financé par la région, est payé un an pour travailler chez un agriculteur. Outil qui a été présenté jeudi. Car cette journée ce n’est pas seulement une mise en contact, c’est aussi de l’info juridique, des témoignages, des interventions sur des financements «hors des sentiers battus» (lire ci-contre). Bref, des éléments pour que les transmissions ou les associations soient viables.

Julien Fouques, 29 ans, candidat à la reprise

Quand on lui demande «Pourquoi le Lot ?», ce Normand étend le bras vers le panorama. Julien Fouques a suivi des études d’ingénieur en sports automobiles et été manager dans la restauration rapide. Si ses parents n’étaient pas agriculteurs, il en a côtoyés et le métier lui plaisait déjà. Pourquoi ne pas s’être lancé plus tôt ? «Mon père me disait : si t’es pas fils d’exploitant, tu pourras pas être exploitant». Il a fini par se lancer et a repris ses études voilà deux ans. Il aimerait reprendre une exploitation tabac, maïs semences, asperges. Des pistes ? Il reste discret. «L’accueil ici a été génial. Tout suit le plan merveilleusement mais il reste d’autres étapes dont le financement qui n’est pas le plus facile».

Régis Raffy, 62 ans, éleveur laitier

A la tête de 85 hectares et 68 vaches laitières sur la commune de Figeac, Régis Raffy pense à la transmission de son exploitation depuis une dizaine d’années. Une première piste avec un apprenti avait échoué. «Mon salarié est peut-être intéressé», dit-il. S’il est venu à cette journée, c’est que le repreneur n’est que potentiel et que «pour une seule personne ce n’est pas possible». Las, il n’y avait pas de demande en reprise d’élevage laitier. Il faut dire que c’est un secteur exigeant et peu porteur, sauf qu’avec la création du groupe Cant’Avey’Lot, il a pu valoriser la production. Il aimerait que son exploitation fasse vivre quelqu’un plutôt que de servir à agrandir une autre qui deviendrait, elle, trop grosse pour être reprise.

Emmanuelle Bourgeois, 40 ans, porteuse de projet

Installée dans le Lot pour des raisons personnelles, Emmanuelle Bourgeois n’est pas issue du milieu agricole, tout comme la majorité des candidats à la reprise qui étaient à Saint-Pierre-Lafeuille. Elle a connu divers métiers. En février, elle a pu acheter des terres en Bouriane «et c’est des bois de châtaigniers. Il y en a beaucoup en Dordogne et moins dans le Lot», constate-t-elle. Elle a donc eu l’idée de monter un projet de transformation de châtaignes pour faire de la farine bio notamment. Elle est venue à ces journées pour trouver un appui technique et répondre à ses questions : garder du châtaignier sauvage, greffer, associer d’autres cultures… ? «J’ai envie d’expérimenter».

Angélique Monteil, 37 ans, porteuse de projet

Angélique Monteil a grandi dans le Lot, en est partie, puis y est revenue. Elle a repris les terres de son père pour s’installer en arboriculture avec un verger de variétés anciennes en pommes, poires, pêches, prunes, châtaignes, cerises. Le projet final : une ferme pédagogique. Voilà deux ans qu’elle y travaille. «On a prévu de planter pendant quatre à cinq ans et on s’installera sur place l’an prochain», explique-t-elle. Il faut encore rénover le bâti, notamment pour faire de l’accueil à la ferme. Elle gardera son travail dans l’insertion : «Les fruitiers on ne peut pas en vivre avant quelques années». «J’ai toujours pensé reprendre mais à 20 ans, je voulais voyager et faire ce que j’avais à faire», dit-elle.


Le financement participatif invité

Jusqu’à il y a peu, les agriculteurs qui voulaient s’installer et n’avaient généralement pas de capital venaient voir la chambre qui renvoyait vers les banques. Mais l’agriculture a elle aussi été touchée par la révolution du financement participatif. L’une des nouveautés de l’édition 2017 de ces Rencontres en terres lotoises est la participation d’acteurs de financement innovant : Miimosa et Midi-Pyrénées actives. La première, plate-forme de financement participatif, a passé un accord de partenariat avec les chambres d’agriculture et accompagne les petits porteurs de projet jusqu’à 20 000 €. La seconde, plus institutionnelle et dédiée aux projets solidaires, mobilise des fonds plus gros.

Jeudi, un jeune couple lotois est venu témoigner de son aventure. Grâce à la plate-forme Miimosa, ils ont réuni quelque 6 000 € à coups de participations de quelques dizaines d’euros pour lancer Fleur de vie du Quercy à Valroufié. Ils produisent miel, aromatiques, savons, fruits… dans une démarche écologique et naturelle.