Une librairie qui ouvre ses portes à Cazals

Signe qu’une intense vie culturelle souffle sur la Bouriane, Cazals verra s’ouvrir le 13 juin place Hugues Salel sa première librairie, Le vent d’autan. Amoureuse des livres, Marie Cossart espère en faire un lieu d’échanges, d’intense convivialité ouvert à tous. Récit d’un pari audacieux que tous les Cazalais souhaitent gagnant.

ActuLot.fr : Pourquoi avoir choisi d’ouvrir une librairie à Cazals ?

Marie Cossart : Je reconnais qu’ouvrir une librairie dans un village de 650 habitants peut sembler d’un optimisme insolent. Rires. Mais je n’ai pas fait ce choix par hasard. Je tenais à ce que cette librairie bénéficie d’une excellente visibilité, ce qui sera le cas sur la place Hugues Salel et surtout j’ai préparé le terrain pendant un an en construisant mes partenariats et en rencontrant au préalable de nombreux acteurs locaux pour m’assurer de la viabilité du projet. La CCI de Cahors m’a accompagnée pour monter le business plan et le dossier de pertinence du projet que nous avons présenté sur la plateforme Initiative Lot dont le comité composé de professionnels, de comptables, de banquiers et d’entrepreneurs a examiné et validé mon projet. J’ai été soutenue par la Banque Publique d’Investissements, une institution qui a pour mission de soutenir les PMI innovantes en appui des politiques publiques de l’État et des Régions. La BPI assure la garantie de mon prêt. J’ai aussi rencontré la responsable de l’Office de Tourisme de la Communauté de Communes, les responsables de la bibliothèque qui m’ont raconté le type de lectorat qui existe ici. J’ai participé à une réunion de réseau pour me présenter à l’ensemble des bibliothécaires de la Bouriane et les représentants de l’Association des Commerçants et Artisans de Cazals (ACA) sont venus me rencontrer. Plus on mutualise les expériences plus on a des chances d’attirer des gens de toutes conditions. Je suis heureuse d’ouvrir une librairie dans un territoire attachant, au sein d’une communauté de communes qui se distingue par une vie culturelle intense portée par des initiatives au début individuelles et qui finissent par devenir des institutions reconnues comme le festival de Gindou. Une librairie attire du monde, les grands lecteurs sont prêts à faire des kilomètres pour trouver une bonne librairie. Mais je ne veux pas pour autant promouvoir une vision des livres et de la culture qui serait élitiste et intimidante. La population de la Bouriane est en train d’évoluer, de se renouveler, avec de nouveaux arrivants, des jeunes, des attentes culturelles et une offre déjà très riche pour y répondre. Cette librairie va s’inscrire dans cette dynamique de territoire.

Pourquoi va-t-elle s’appeler Le vent d’autan ?

Quand nous avons quitté Paris où je tenais déjà une librairie, pour venir vivre en famille dans le village de Lherm, j’ai souhaité que cette librairie possède un ancrage local fort et je me suis souvenue de ce vent d’autan qui souffle parfois sur nos collines du Lot. Ce nom traduit le désir qui nous habitait avec ma famille de retrouver la nature et les acteurs du monde rural.

 » En tant que libraire on s’engage souvent pour défendre des livres, des auteurs, des éditeurs. Certains livres ont besoin de moi comme avant certains patients avaient besoin de mon attention, de mon soutien. « 

Quelle est votre conception du métier de libraire ?

Ayant fait des études littéraires, je suis une grande lectrice de romans mais aussi d’ouvrages de sciences humaines et de livres jeunesse. Je me suis aperçue que beaucoup de gens fantasment sur le métier de libraire dont ils cultivent une vision romantique et hors sol. En réalité, ce métier exige pas mal de rigueur et comporte beaucoup d’heures de manutention, de gestion, d’achats. Il faut bien analyser la saisonnalité. C’est un équilibre assez fin au niveau de la gestion pour tenir sur toute l’année. Il faut savoir anticiper et être actif pour préparer les événements très en amont.

Quels types d’ouvrages comportera votre librairie ?

Une librairie est un moyen de faire une proposition. Au début le vent d’autan offrira un fonds large qui va se moduler en fonction du type de lecteurs. C’est comme le langage, une librairie ça évolue, ça change. On peut rentrer dans une librairie sans rien acheter, juste par curiosité, pour découvrir, flâner, fouiller, rêver, pour se retrouver mais aussi pour échanger, pour discuter, c’est aussi ce qui m’incitera à faire salon de thé en terrasse. Je ne veux pas que cette librairie soit intimidante. Car parfois on entre dans une librairie sans trop savoir comment se diriger au milieu des livres. Ma stratégie c’est d’offrir de l’accueil, une écoute, des conseils et de favoriser les rencontres. Et le bouche à oreille, la proximité sont essentiels dans ce métier. J’ai tenu à renforcer la visibilité de la librairie sur les réseaux sociaux en lui dédiant une page Facebook, et une page Instagram. Mais surtout, mon approche du métier de libraire est liée au travail de psychologue clinicienne que j’exerçais auparavant. Être libraire pour moi c’est faire un métier très engagé, très militant. On ne gagne pas beaucoup d’argent. En tant que libraire on s’engage souvent pour défendre des livres, des auteurs, des éditeurs. Certains livres ont besoin de nous comme avant certains patients ont eu besoin de mon attention, de mon soutien. Des éditeurs nous confient des livres et nous demandent de les porter vers les lecteurs. La culture et les livres aident à vivre et peuvent soutenir les gens qui luttent. Nous avons tous besoin de nourrir nos imaginaires et de ne pas abandonner nos rêves au règne des écrans et à la pensée unique. C’est aussi pour cela que je suis très attachée à faire connaître la littérature jeunesse et que le vent d’autan comportera non seulement un coin livres pour enfants mais aussi des BD, des romans graphiques, des auteurs jeunesse qui décoiffent. La communauté de communes Cazals-Salviac bénéficiant d’un pôle scolaire important, j’espère aussi être sollicitée pour des commandes publiques. En France, par chance, le livre est au prix unique, acheter un livre ici à Cazals, ce ne sera pas plus cher qu’ailleurs et franchir le seuil du vent d’autan, c’est un moyen de faire vivre le commerce de proximité.

Comptez-vous organiser des événements ? Expositions, dédicaces d’auteurs, lectures ?

À l’intérieur de la librairie je compte organiser des ateliers pour enfants autour du livre et de l’illustration, des rencontres avec des auteurs, pas seulement pour des dédicaces et des lectures de leurs textes, mais aussi pour leur proposer de faire une résidence d’auteurs pendant quelques jours, avec des ateliers dans des classes de l’école ou du collège, des visites de lieux singuliers, afin que leur séjour se fasse en lien avec le territoire. En extérieur, le vent d’autan va bénéficier d’une terrasse sur la place, ce qui en fera une librairie salon de thé. Je souhaite faire de ce vent d’autan un lieu ouvert soufflant dans toutes les directions. Le livre permet d’accéder au monde, de jeter des passerelles. J’espère comme disait Samuel Becket que chacun va trouver une compagnie dans les livres. Ce qui est frappant dans les librairies parisiennes c’est qu’on trouve beaucoup d’ouvrages sur la permaculture, sur le vivant, sur le jardinage mais ici en Bouriane ces choses-là sont vécues pour de vrai, les filières courtes, la vente directe, les jardins partagés. Au sein du vent d’autan certains auteurs viendront parler de ces questions avec ceux qui en sont les acteurs.

Combien de temps vous donnez-vous pour réussir ?

 Dans la profession de libraire on a coutume de dire que si une librairie passe le cap des trois années d’existence elle a toutes les chances de perdurer.Vidéos : en ce moment sur Actu

Librairie Le vent d’autan, Place Hugues Salel – Tél : 09.81.91.29.26 – librairieleventdautan@gmail.com

Luc GÉTREAU

ActuLot