Une semaine de mobilisation pour sauver les écoles rurales du Lot
Plusieurs manifestations sont prévues dans le Lot pour la sauvegarde des écoles jeudi8 et samedi 10février 2018 à Cahors et Figeac. Pour la première fois, élus, syndicat et parents d’élèves se prononcent de manière unanime.
« C’est la première fois qu’il y a un tel consensus entre les élus, les syndicats et les parents d’élèves. La première fois que l’on se prononce unanimement pour dire non à cette casse » s’enthousiasme Philippe Canceil, du Collectif citoyen de sauvegarde des écoles de village du Lot (CCSEV), qui s’est rallié avec le collectif La petite école est une chance et l’association des Maires ruraux du Lot pour dénoncer et mobiliser contre la suppression de 17 postes d’enseignants dans le Lot pour le premier degré.
Manifestations
Le collectif appelle d’abord à une journée d’action de solidarité dans toutes les écoles du département mercredi 7 février 2018. Elus et parents sont invités à se rendre dans toutes les écoles du Lot, pas uniquement celles qui sont menacées, afin de montrer leur soutien et leur solidarité. Néanmoins, pas question de géner la classe, les modalités pratiques sont expliquées sur le blog du CCSEV, ainsi que les rendez-vous locaux dans les communes (suivre ce lien vers le blog du CCSEV).
Puis, jeudi 8 février 2018, un rassemblement contre la carte scolaire aura lieu à partir de 13 h devant le collège Gambetta à Cahors où se tiendra le CDEN qui établira la carte scolaire. Ce CDEN sera boycotté par les élus et les organisations syndicales, obligeant ce dernier à être reporté. Ainsi, seule une délégation se rendra à la réunion où elle présentera aux services de l’État les revendications des maires, syndicats et parents d’élèves, avant de retrouver à l’extérieur les manifestants. Là, chaque école prendra la parole afin de faire connaître son cas. Ce CDEN devrait donc être reporté au 16 février 2018, laissant le temps aux écoles de se faire entendre.
Ensuite, samedi 10 février 2018, deux manifestations unitaires seront organisées tout d’abord dès 9 h à Figeac avec rassemblement salle Balène à 10 h et défilé sur la place de la Halle à 10 h 30, puis à Cahors à 11 h place François Mitterrand.
C’est un appel à la solidarité départementale qui est lancé au travers de ces actions. Elles ne concernent pas seulement les écoles menacées mais bel et bien toutes les personnes qui souhaitent défendre une vision de la ruralité. D’autant que cette année, la mobilisation est lancée avant la tenue du CDEN et donc avant la prise de décision finale. Les membres du collectif ont bon espoir que les revendications puissent être entendues.
35 écoles menacées
Pour le collectif, avec la suppression de 17 postes, ce sont bel et bien 35 communes ou RPI qui se retrouvent menacées d’une fermeture de classe ou d’école à la rentrée 2018, car des ouvertures de postes pourraient avoir lieu dans d’autres écoles et des postes devraient être attribués pour les Rased et la brigade de remplacement.
Les membres du collectif avancent en premier lieu l’intérêt éducatif et le bien-être des enfants. La fermeture d’une classe entraîne des classes plus chargées, des déplacements plus importants et une diminution de la qualité de l’enseignement. « Lors du premier CDEN, le Dasen a signalé qu’il y avait une baisse de qualité de l’enseignement dans les classes à niveaux multiples, mais c’est contradictoire à ce qu’a affirmé le ministre de l’Éducation qui a dit que les écoles de la ruralité étaient une école de la réussite, avec des résultats supérieurs à l’ensemble du territoire national, dû aux classes multiniveaux » renchérit Alain Auzanneau du collectif. Et le collectif de souligner également la proximité entre les parents et les enseignants ou encore la meilleure adaptation des enfants aux petites structures.
Enfin, il soulève le problème de la fuite des populations. « Il ne faut pas s’étonner qu’il y ait une fuite de population s’il n’y a pas de réponse adaptée à l’accueil des populations et services. On veut que les gens viennent dans nos campagnes mais l’Éducation nationale et l’État ne font rien pour les attirer… Que doit devenir le service public de l’éducation sur notre territoire ? » s’interrogent les membres.
Enfin, le collectif met en garde contre la création de regroupements scolaires, mais également contre une contractualisation, à savoir la nouvelle appellation du protocole qui avait déjà été signé il y a quelques années, censé protéger le département d’un nombre encore plus important de perte de classes.
« Il faut que tout le monde ait le courage d’être force de proposition pour l’avenir de nos territoires. Ce boycott du CDEN, c’est à nous de le faire vivre. Il faut faire le pari que nous pouvons discuter et échafauder une vision de l’avenir commune » conclut le collectif.
Qui est menacé ?
Liste des écoles menacées (CCSEV). Circonscription Cahors 1 : Arcambal, Cahors Orliac, Gréalou, St Géry-Vers, Trespoux-Rassiels, RPI Brengues/Marchilhac/St Sulpice, RPI Lamagdelaine/Bellefont La Rauze, Lauzès, Sabadel Lauzès, avec concentration à Pechs de Vers du RPI Lauzes/Sabadel Lauzes/Pechs du Vers.
Circonscription Cahors 2 : Douelle, Prayssac élémentaire, RPI Caillac/Crayssac, RPI Duravel/Touzac/Soturac.Circonscription Figeac : Assier, Aynac, Livernon, Sousceyrac, RPI Cahus/Laval de Cère, RPI Cambes/Reyrevignes, RPI Cuzac/Felzins/St Félix, RPI Gorses/Latronquière/St Cirgues/Lauresses.Circonscription Gourdon : Gourdon maternelle, Gramat élémentaire, Le Vigan, Payrac, RPI Baladou/Cuzance/Martel, RPI Concores/Peyrilles/Uzech/St Germain du Bel Air, RPI Dégagnac/Thédirac/Lavercantière, RPI Fajoles/Lamothe Fénelon/Masclat, RPI Anglars Nozac/Milhac/Rouffilhac, RPI Gignac (RPI avec la Dordogne), RPI Montfaucon/Cœur de causse, Creysse, Mayrac, Meyronne avec concentration à Saint Sozy du RPI Creysse/Mayrac/Meyronne/St Sozy.
Prayssac Une douzaine d’élus dont Serge Bladinières ont été rejoints par les parents d’élèves à l’école primaire dès 8 heures. L’école était ensuite occupée par une centaine de personnes, dans la cour et les locaux, sans cependant empêcher les enseignants de travailler. Vers 10 h une trentaine de parents ont rédigé une lettre ouverte à l’IEN.
La Dépêche du Midi
Le préfet et le Dasen rencontreront les élus ce lundi (les parlementaires, les associations des élus du Lot et des maires ruraux, le conseil régional, le conseil départemental).
La semaine prochaine devraient avoir lieu les deux réunions boycottées qui étaient prévues cette semaine : comité technique spécial paritaire et CDEN (conseil départemental de l’éducation nationale).
«ce sont les instances existantes (comité paritaire et CDEN) qui ont vocation à débattre des propositions du Dasen et des éventuelles fermetures de classes» indique le préfet Jérôme Filippini. La réunion de ce lundi, proposée conjointement par le représentant de l’État et le Dasen, Xavier Papillon, ne concernera pas non plus la mise en place d’un futur (et éventuel) comité de pilotage en vue d’un futur protocole. Ce comité-là méritera une consultation «plus large» que les seuls élus.
C’est un «temps d’échanges sur le fonds et sur la méthode, il permettra d’évoquer les inquiétudes et interrogations des élus du Lot» explique le préfet.
Près de 300 personnes ont participé hier à la mobilisation organisée à Cahors devant le collège Gambetta où devait se tenir le Conseil départemental de l’Éducation nationale. Mais l’instance chargée de valider la carte scolaire, jugée «catastrophique» pour le Lot cette année, a été boycottée.
Bravant le froid, environ 300 personnes — parents, élèves, enseignants, syndicats, élus — venues de tout le Lot ont manifesté hier après-midi devant le collège Gambetta à Cahors leur ferme opposition à la fermeture de 17 postes à la rentrée prochaine dans les écoles du département. De l’autre côté des grilles, devait se tenir le Conseil départemental de l’Éducation nationale (CDEN), instance chargée d’entériner la carte scolaire, qui a tourné court. Comme annoncé depuis plusieurs jours, les membres du CDEN ont en effet fait bloc et décidé de boycotter de façon unanime la réunion où chaque proposition de fermeture et d’ouverture devait être discutée (1). Une délégation s’est tout de même présentée devant le préfet et le directeur académique du Lot pour lire une déclaration unitaire expliquant les raisons de ce boycott, qualifié comme «un acte fort, rarement utilisé» (lire encadré).
«À situation exceptionnelle, action exceptionnelle, a commenté à la sortie de la délégation, Christine Laverdet, secrétaire départementale du syndicat enseignant Unsa. À un moment, il faut se faire entendre. Là on a dépassé des seuils qu’on ne peut pas accepter.» Benoît Debals de la FSU confirme : «La situation n’est plus tenable. Il faut arrêter, tout le monde voit les limites aujourd’hui.» Aux côtés des syndicats, des dizaines d’enseignants lotois en grève ce jeudi avaient tenu à être présents. En tout, une trentaine d’écoles sur tout le département, la plupart concernées par les suppressions de postes à la rentrée, étaient fermées hier. Des personnels territoriaux avaient également pris part au mouvement.
Des cas particuliers qui font cause commune.
Dans les rangs des manifestants, de nombreux élus, certains avec leur écharpe tricolore en bandoulière, avaient aussi tenu à faire le déplacement hier. Pour Catherine Prunet, conseillère départementale, la mobilisation est plus que jamais nécessaire autour du problème des écoles rurales. «On sent l’exaspération des Lotois. Il faut dire stop maintenant et avoir un répit à un moment donné pour que tout le monde puisse réfléchir.» Avant les grandes manifestations prévues samedi à Cahors et à Figeac, de nombreux parents accompagnés de leurs enfants ont participé à l’action hier après-midi. Munis de pancartes, ils ont fait du bruit et manifesté leur colère à coups de sifflet. Cours, Sousceyrac (lire ci-contre), Aynac, Assier, Livernon, Gréalou, Cahus, Lauresses… des représentants des écoles menacées de fermeture ont pris la parole pour évoquer en quelques mots la situation dans leur village. Autant de cas particuliers qui ont décidé de faire cause commune pour la défense des écoles du Lot.
(1) Le CDEN est reporté au 16 février.
Un boycott rare et unanime
Face au préfet et à l’inspecteur d’académie, une délégation de représentants des élus, des syndicats et des parents d’élèves a lu une déclaration unitaire pour expliquer le boycott.
« En signe de protestation contre la dotation départementale de moins de 17 postes qui a été décidée au niveau académique, les membres du CDEN ont décidé à l’unanimité de ne pas siéger aujourd’hui. Nous ne pouvons en effet pas accepter de perdre autant de postes. Cette dotation dégradera inévitablement les conditions d’apprentissage des élèves, des enfants du Lot. Ces élèves, ces enfants méritent comme tous ceux du territoire national, une offre éducative de qualité, de proximité leur permettant de réussir dans le respect de l’égalité des chances sur tout le territoire. Ne pas siéger aujourd’hui en formation CDEN est pour nous un acte fort, rarement utilisé. À situation exceptionnelle, action exceptionnelle ! Nous vous demandons (…) d’intervenir en vos qualités, auprès du ministère pour qu’une révision de dotation soit examinée qui permette de préparer la rentrée 2018 dans les écoles du Lot dans des conditions sereines, au service de la réussite de tous les enfants. »
Audrey Lecomte La Dépêche