Vous avez dit agrivoltaïsme ?
La notion d’agrivoltaïsme est apparue pour la première fois en 1981, dans la bouche d’Adolf Goetzberger et Armin Zastrow, qui étudiaient pour la première fois la cohabitation d’une production électrique photovoltaïque et d’une production agricole. Ils avaient mis en place une configuration type, avec des panneaux à deux mètres du sol, espacés d’au moins trois fois leur hauteur. L’inclinaison des panneaux correspondait à la latitude. Le duo en est arrivé à la conclusion que le rayonnement obtenu était presque uniforme sur la journée, et qu’il correspondait à deux-tiers du rayonnement global sur une parcelle témoin. Par la suite, les premiers projets d’agrivoltaïsme se sont développés en Asie, et notamment au Japon, avant de faire des émules en Corée du Sud, en Malaisie au Vietnam.
En France, le développement de l’agrivoltaïsme a commencé en 2009, avec le projet de recherche Sun’Agri, initié par un partenariat entre l’INRAE et la société Sun‘R. Pour développer les systèmes agrivoltaïques, ils se sont inspirés du principe des cultures étagées et de l’agroforesterie, où plusieurs espèces sont cultivées sur différents niveaux, créant ainsi une synergie. Pour l’agrivoltaïsme, l’étage du haut est constitué de panneaux photovoltaïques, avec les cultures en-dessous.
Selon l’INRAE, les premiers travaux « ont démontré qu’il était possible, sous certaines conditions de culture et d’espacement de panneaux, de maintenir des rendements agricoles comparables à ceux des cultures en plein champ, et ce malgré une réduction du rayonnement disponible pour les plantes. Ces travaux ont aussi permis d’objectiver les limites d’un dispositif d’ombrage fixe. » En prenant en compte cette problématique d’ombre, les acteurs ont ensuite développé un système agrivoltaïque dynamique, avec des panneaux mobiles qui permettent de moduler l’ombre portée au niveau de la culture.
Deux autres étapes sont venues renforcer le développement de l’agrivoltaïsme en France :
en janvier 2021, la FNSEA, le réseau des chambres d’agriculture (Apca) et EDF Renouvelables ont signé une charte de bonnes pratiques de l’agrivoltaïsme avec pour objectif de marier les impératifs de l’activité agricole et les enjeux de la production photovoltaïque
en juin 2021, plusieurs acteurs de la filière agrivoltaïque ont annoncé s’être fédérés au sein de france-agrivoltaisme, une association ayant pour but de défendre et promouvoir le développement de ces technologies.
Fixer un code de bonne conduite et un cadre de bonnes pratiques entre deux mondes – celui des énergéticiens du solaire et celui des agriculteurs
« produire de l’énergie renouvelable tout en assurant la souveraineté alimentaire du pays, ce qui passe par la primauté et la pérennité de l’activité agricole » (Présidence de la FNSEA)
Car c’est là que le bât blesse en France. « Sur les 10 GW de capacité actuelle, la moitié provient de panneaux photovoltaïques sur les toits, l’autre moitié de centrales au sol, principalement installées sur des sites dégradés – anciennes carrières, friches industrielles –, qui sont en nombre limité, précise Xavier Daval, président de la commission solaire au Syndicat des énergies renouvelables. Or, la réglementation interdisant, sauf rares exceptions, tout nouveau projet sur des terres agricoles ou forestières – qui occupent plus de 90 % du territoire –, la recherche de terrains devient un casse-tête pour les développeurs de solaire. »
D’autant que les pouvoirs publics ont fixé des objectifs ambitieux au secteur. La programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) prévoit qu’en 2028 la capacité en photovoltaïque soit portée entre 35 GW et 44 GW. « Ce qui revient à installer 3 000 MW par an. À raison de 1 MW par hectare, il faut donc trouver environ 160 000 hectares sur huit ans », souligne Bruno Bensasson, PDG d’EDF Renouvelables.
« L’agrivoltaïsme recouvre encore une grande variété de procédés », précise Céline Mehl de l’ADEME. Cela va des serres équipées ou des prairies d’élevage plantées de panneaux en passant par les « persiennes agricoles ».
Dans la mesure où les terres agricoles constituent le plus souvent des unités foncières structurellement propices à l’implantation de centrales photovoltaïques (grandes dimensions, régularité des sols, proximité des réseaux électriques), l’impératif national de transition énergétique fait peser sur ces terres agricoles une menace de déprise. Elles sont d’autant plus vulnérables que le rapport économique est fortement déséquilibré entre la valeur locative offerte par la production photovoltaïque et le revenu agricole tiré de ce même foncier.
L’.ADEME a mené une étude à partir du retour d’expérience sur une centaine de projets. Cette étude permet d’affiner la définition de l’agrivoltaïsme et de vérifier s’il tient ses promesses : permettre à l’agriculture de s’adapter au changement climatique tout en étant source d’électricité verte.
Si l’agence recommande d’encourager et favoriser le développement des projets « agrivoltaïques », elle pointe également une liste de 7 critères d’attention sur les risques potentiels et les externalités positives, pour évaluer correctement ces projets et leurs impacts sociaux, économiques, environnementaux, paysagers, territoriaux.
Ces critères sont très largement traités dans le label qu’a créé l’Afnor pour répondre aux demandes des territoires et des développeurs de projets confrontés à une spéculation foncière sans précédent autour du concept d’agrivoltaïsme, chaque projet photovoltaïque situé sur terrain agricole se revendiquant agrivoltaïque.
lI concerne tous les projets, quelle que soit la technologie agrivoltaïque employée, qui visent prioritairement l’amélioration durable des performances agricoles sur les parcelles cultivées, notamment en apportant une protection contre les aléas climatiques.
Ce label constitue un signe de reconnaissance qui peut être utilisé à chaque étape du projet agrivoltaïque : développement, conception, construction et exploitation.
D’autres doivent suivre, notamment en matière d’élevage, pour permettre de donner un cadre clair, équitable et responsable, au service d’un agrivoltaïsme gagnant-gagnant pour l’agriculture, pour l’énergie et pour l’environnement.
Source : www.geo.fr /.la-croix.com/laplateformeverte.org
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